Depuis plusieur semaines, l'approche du quarantième anniversaire des "évènements" de mai 1968, donne matière à d'innombrables émissions de radio et de télévision. Sur toutes les chaînes on interviewe les "anciens de mai 1968" avec une empathie évidente et l'on oublie que dans sa majorité la France n'a pas soutenu les agitateurs étudiants et syndicalistes. On ne donne jamais la parole à ceux qui avaient dit non
aux délires de ce mois de mai.
Rappelons l'époque : la France gouvernée depuis 1958 par le Général de Gaulle avait remonté la pente, bâti de nouvelles institutions, celles de la 5° République, mis fin - non sans larmes - à la guerre d'Algérie et menait une grande politique d'indépendance nationale, reposant sur la dissuasion nucléaire. L'économie progressait à toute allure, nous étions dans les "trente glorieuses" et le chômage était presque inconnu. L'Europe commençait à dépasser les clivages de la guerre et à s'unir tandis que la scène internationale voyait l'affrontement du "monde libre" et du monde communiste. Mais, si l'on en croyait un éditorialiste du Monde, la France s'ennuyait.
Au même moment, dans le monde libre, mais aussi à l'Est, un courant d'air passait sur les Facultés et es Universités,porté par une volonté de libération sexuelle et la remise en cause des fondamentaux du monde occidental.
C'est ainsi qu'en France, depuis le mois de mars, se développait une opposition virulente de certains milieux étudiants vaguement anarchisants, des trotskistes de la J.C.R., des maoïstes, de la Gauche prolétarienne et des nombreux comités qui soutenaient activement les communistes vietnamiens (qui n'avaient pas encore imposé leur effroyable dictature à l'ensemble du peuple vietnamien) et les terroristes palestiniens, qui vénéraient Castro, et rêvaient du "Grand Soir" qui serait rendu possible par la conjonction des étudiants et des ouvriers, conjonction que la plupart des syndicats ne voulaient pas et surtout les communistes de la CGT qui haïssaient les gauchistes, abattre de Gaulle, car l'Union soviétique, maîtresse absolue des communistes (ce n'est pas une accusation polémique , mais une réalité confirmée par les documents internes au P.C. de l'URSS, ouverts maintenant aux historiens) ne souhaitaient pas le renversement de celui -ci.
A cette époque j'étais déjà Conseiller de Paris, depuis 1965 et suppléant de Jean-Charles LEPIDI, député gaulliste du 10°arrondissement depuis 1967. Je suis allé voir sur place ce qui se passait au Quartier Latin, et entendu des quantités de stupidités assénées d'une manière péremptoire par des orateurs qui n'avaient aucun sens des réalités.
Contrairement à ce que certains semblent croire aujourd'hui, il ne s'agissait pas d'un mouvement pour les libertés. A une époque où le totalitarisme du "Petit livre rouge" battait son plein dans la Chine de Mao, la volonté était de faire une révolution de type communiste, mêlée de sentimentalisme. Certains éléments de cette agitation traduisaient une nécessité, comme, par exemple, mettre fin au mandarinat permanent qui régnait sur les universités et les facs de Médecine. Mais on entendait vraiment n'importe quoi. J'ai assisté avec beaucoup de dégoût , au Théâtre de l'Odéon, à l'autocritique de Jean-Louis Barrault.
Face à ces jeunes ,qui jouaient à la Révolution, le pouvoir était bien hésitant et son autorité s'effilochait, d'autant que , le temps passant, les syndicats s'engageait dans le conflit (non pour faire la Révolution mais pour pour mettre en avant leurs revendications).
Beaucoup de Français, hostiles à cette agitation, à ce que De Gaulle avait appelé "la chienlit", commençaient à s'énerver et se demandaient si De Gaulle ne perdait pas pied. Et peu à peu, le parti gaulliste, l'U.N.R. (rebaptisée en 1967 : Union des Démocrates pour la 5ème République), et sur le plan étudiant l'U.N.I.,entraient en résistance contre la chienlit. C'est ainsi que dans le 10°, des militants gaullistes avaient des affrontements violents avec des militants CGT des gares du Nord et de l'Est.
L'élément positif de ce conflit de mai, fut que, grâce à l'habileté du Préfet de Police, Grimaud, il n'y eut pas d'effsionde sang et pas de morts,à l'exception d'un commissaire de Police, tué à Lyon par la fausse manoeuvre d'un camion.
Les milieux politiques se désagrégeaient. On assistait à une phénomène qui ne s'est pas reproduit : les gens se parlaient dans la rue et engageait la discussion. Mais quelles âneries ! On entrait dans la dictaure de la Bêtise !
Dans les milieux proches du pouvoir certains se demandaient si ce n'était pas "foutu", d'autant que le Général de Gaulle ne semblait pas comprendre ce qui se passait. Et Pompidou avait beau négocier à tout va avec les syndicats, cédant plus qu'il ne le fallait, rien ne décidait les travailleur à reprendre le travail. Les dirigeants de la CGT, venant présenter les conquêtes qu'ils avaient obtenues dans les usines étaient sifflés par leur base. C'est le moment que choisit François Mitterrand pour faire don de sa personne à la France, pour la sortir de l'ornière et prendre un pouvoir qui n'était pas disponible.
De Gaulle, sans avertir personne, disparut. Il était partir s'entretenir avec le Général Massu, qui commandait , à Baden Baden, les Forces Francaise d'Allemagne. Pendant ce temps là, à l'initiative du député de Paris, Pierre-Charles Krieg, on préparait une grande manifestation aux Champs Elysées, destinée à sonner la fin de la récréation.
Revenu à Paris, De Gaulle reprenait l'initiative par un discours assez bref , le 30 mai à la radio (comme en juin 40), annonçant qu'il ne cèderait pas, qu'il ne renverrait pas Pompidou et qu'il laissait la parole au peuple en dissolvant l'Assemblée Nationale. Ce discours fut l'électrochoc qu'attendait une majorité de Français et la manifestation dont on espérait qu'elle arriverait à mobiliser 50.000 personnes, en mobilisa un million qui défilèrent aux cris de "De Gaulle n'est pas seul" et de "Mitterrand c'est râpé!"
Le "mouvement de mai" était moribond, et il fut achevé par les élections législatives du 30 juin qui donna aux gaullistes une écrasante majorité. Ce fut pour moi l'occasion de rentrer au Palais Bourbon sans penser un seul instant que j'y resterai 29 ans.
Les négociations de "Grenelle" entrainèrent une importante hausse des salaires et d'important progrès avaient été obtenus sur la plan social, mais dans beaucoup de domaines les résultats furet loin d'être positifs.
Je garde toutefois un bon souvenir, celui de la qualité artistique des affiches imprimées par l'atelier des Beaux Arts qui illustra avec talent de très mauvais slogans et notamment l'ignoble :"C.R.S = SS"