La réaction de divers dirigeants politiques français, de la majorité comme de l'opposition, à l'annonce de l'affrontement meurtrier entre Israël et la flotille qui se disait "humanitaire" et essayait d'aborder à Gaza, s'est résumée dans cet adjectif "disproportionné". En effet, neuf morts était un prix lourd à payer. Mais surtout, ce qui a surpris, c'est comment Israël a pu se laisser entrainer dans un tel traquenard, marquant une déficience dans le renseignement.
Le terme "disproportionné" doit aussi s'appliquer à la campagne anti-israélienne qui a suivi. On a eu l'impression que tous les malheurs du monde n'avaient qu'une seule origine: Israël et que sa disparition amènerait la solution de tous les conflits qui ensanglantent encore le monde et que tous les régimes dictatoriaux et sanglants deviendraient des prix de vertu et de démocratie.
J'ai une opinion personnnelle sur ce qui s'est passé. Je ne crois pas un seul instant à la surprise de la Turquie devant la caractère sanglant de l'affrontement. Je suis au contraire persuadé qu'il y a une opération montée par la Turquie pour avoir un prétexte à rompre son alliance de fait avec Israël.
J'ai souvent été dans ce pays et ai cotoyé à maintes reprises ses dirigeants lorsque j'appartenais à l'Assemblée Parlementaire de l'OTAN et il me semble nécessaire d'y regarder de plus près dans le passé et le comportement du Premier ministre ERDOGAN.
Celui-ci a un long passé islamiste. Jeune il a appartenu au MSP de Necmettin Erbakan, dirigeant islamiste "dur", puis au Parti de la Prospérité (Refah Partisi), toujours aussi islamiste et toujours présidé par Erbakan, puis au Partie de la Vertu
L'intervention de l'armée (garante de la laïcité) avait chassé Erbakan. En 2001, Erdogan et ses amis comprennent qu'ils doivent adopter des positions plus nuancées s'ils veulent gagner les élections et lancent le Parti de la Justice et du Développement (A.K.P).Ils se présentent comme des musulmans modérés et essyanet de démontrer qu'ils sont musulmans et démocrates, comme d'autres sont des pays européens démocrates-chrétiens. Ils font aussi les
yeux doux à la ^petite communauté juive de Turquie...Et ils gagnent les élections mais Erdogan ne peut devenir tout de suite Premier ministre, car il reste sous le coup d'une condamnation pour islamisme. Avec un peu de patience il devient enfin Premier Ministre.
A la tête du gouvernement, il trouve dans son héritage, l'Alliance entre la Turquie et Israël.Il est
obligé de l'appliquer mais n'en pense pas moins et essaie d'atténuer ce caractère d'alliance.
D'autre part, son gouvernment, qui mène assez bien le pays, grignote peu à peu la laicité héritée du kémalisme et renforce peu à peu, le caractère religieux.
Dans le même temps , la Turquie se voit refuser l'entrée dans l'Union européenne à laquelle elle aspirait. Que lui restait-il pour affirmer l'importance du pays dans la politique internaitonale ?
Certains ont cru au "pan-touranisme"q ui visait la création d'un grand ensemble avec les anciennes républiques musulmanes de l'Union Soviétique qui pratiquaient -sauf le Kirghizistan - des langues proches du turc. La Turquie développa son influence dans ce sens, mais elle n'avait ni les moyens matériels ni la puissance suffisante pour se substituer à la Russie.
Aussi, une nouvelle voie : le "néo-ottomanisme" semble apparaître. Il ne s'agit pas de rapprocher simplement des peuples de langues turques, mais de reprendre pied dans ce qui fut ,avant 1918, l'Empire ottoman,c'est à dire une large part du Monde arabe. Dans ce sens la Turquie fait désormais partie de la Cofnérence islamique. Plusieurs signes ont montré la volonté de s'écarter d'Israël et notamment les insultes proférées par M. Erdogan contre le Président Shimon Pérés, lors du Forum de Davos.
La Turquie se moque du caractère "humanitaire" de Gaza. Elle, qui se refuse à reconnaïtre sa responsabilité dans le génocide arménien, qui occupe militairement une partie de Chypre, et qui opprime sans ménagement un grand peuple, le peuple kurde, qui a autant de droit à l'existence que le peuple palestinien, n'agit pas par humanitarisme.
Tout celà est bien dommage, ca r le peuple turc est un peuple sympathique et travailleur,
héritier cd'une riche tradition et d'une grande culture. Laissera-t-il réduire à néant l'eouvre de Mustafa Kemal qui voulait une Turquie moderne et laïque ?
Claude-Gérard MARCUS