Parmi les raisons qui ont justifié l'opposition à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, on a cité des raisons géographiques (la Turquie à une petite exception près ne se trouve pas géographiquement en Europe), des raisons liées au refus de reconnaître le génocide des arméniens (malgré un dossier historique très lourd) et la menace de l'entrée d'un pays qui serait le plus peuplé de l'Union européenne et qui risque de virer à l'islamisme.
Une autre raison me parait évidente, bien qu'elle n'ait jamais été évoquée : l'entrée de la Turquie dans l'Union ferait du problème kurde - quasi insoluble -un problème européen.
Le traité de Sèvres, organisant le démembrement de l' Empire ottoman, en 1920, reconnaissait le droit des Kurdes à former une struture étatique. Mais ce traité signé avec un gouvernement ottoman agonisant, était refusé par la République Turque de Kemal Ataturk qui incarnait un nationalisme unitaire qui se refusait à toute reconnaissance d'un peuple kurde. Le Traité de Lausanne abandonnait les kurdes à leur triste sort.
Depuis 1923, malgré une répression constante, la volonté des kurdes de constituer un Etat reste vivace. Un éphémère Etat kurde a existé quelques mois en 1946 , en Iran : la République de Mahabad.
Après la chute de Saddam Hussein en Irak, le Kurdistan irakien a bénéficié d'une véritable autonomie et est la région la plus tranquille du nouvel Irak.
Aujourd'hui le peuple kurde est le plus grand peuple sans pays. La population kurde est largement présente en Turquie, en Iran, en Irak et en Syrie ainsi que dans une large diaspora et reste attaché à sa langue ( même si celle ci n'est pas enseignée dans certains pays, notamment la Turquie pour qui les kurdes n'existent pas et sont des "Turcs montagnards").
Les évaluations démographiques sont floues : entre 27 et 37,5 millions qui se répartiraient ainsi : Turquie : 14 à 18 millions; Iran :4,8 à 6,6 millions; Irak : 4 à 6 millions; Syrie : 0,9 à 2,5 millions.
Ces chiffres, même s'ils sont contestés, démontrent qu'il s'agit d'un problème d'une autre ampleur que le problème palestinien (qui, lui, concentre l'attention du monde entier) . Sa solution n'est ni simple, ni aisée, ni même évidente d'autant que le rôle du P.K.K., parti révolutionnaire et terroriste, en lutte armée contre la Turquie, ne facilite rien.
L'introduction de la question kurde au sein de l'Union européenne serait explosive.